Introduction
Souvent lorsque l’on parle d’inflammation, on pense à une affection caractérisée par des douleurs, éventuellement accompagnées, de rougeurs, chaleur et gonflements, surtout s’il s’agit d’une articulation. L’inflammation caractérise également de nombreuses maladies infectieuses, auto-immunes ou allergiques avec une clinique souvent bruyante accompagnée de douleur, d’altérations de l’état général, voire de fièvre. A contrario, dans cet article, nous allons parler d’une inflammation systémique qui passe le plus souvent inaperçue cliniquement. Cette inflammation est considérée de bas de grade, car elle reste discrète, sournoise. Toutefois il s’agit d’une authentique réaction inflammatoire qui ne se perçoit souvent pas cliniquement, à peine détectée au niveau des examens sanguins habituels. Pourtant, elle est au cœur de la plupart des maladies de civilisation. Ce bruit de fond inflammatoire peut à la longue faire des dégâts et favoriser ou amplifier la plupart des maladies chroniques actuelles telles que les maladies cardio-vasculaires, l’obésité, le diabète, le cancer, les maladies neurodégénératives, la dépression, etc.
D’où vient l’inflammation de bas grade
Lorsqu’on annonce à une personne qu’elle présente une inflammation de bas grade, la première question posée est d’où vient cette inflammation. La réponse malheureusement n’est pas toujours simple. Il peut y avoir de petits foyers infectieux méconnus, on pensera par exemple à un foyer dentaire, une parodontopathie ou à une infection urinaire peu symptomatique. La surcharge pondérale et l’obésité sont également souvent accompagnées d’une inflammation de bas grade. En effet, on sait que le tissu adipeux libère des hormones pro-inflammatoires qui stimulent les messagers de l’inflammation. Toutefois, vraisemblablement, une des origines les plus fréquentes provient de l’intestin. Un microbiote perturbé (dysbiose intestinale), une muqueuse intestinale malmenée dans le cadre d’une pullulation bactérienne ou d’intolérances alimentaires vont favoriser une augmentation de la perméabilité intestinale (leaky gut). On sait que lors d’une augmentation de la perméabilité de l’intestin, des fragments bactériens pénètrent l’organisme (LPS) et provoquent une réaction inflammatoire de la part du système immunitaire. De plus, sur le plan nutritionnel, il est important de comprendre que notre modèle alimentaire occidental avec son excès de sucres (AGE), de produits transformés, de molécules toxiques de la cuisson, favorise une inflammation de bas grade.
Comment détecter l’inflammation de bas grade
Son appréciation biologique nécessite d’y être sensible. Les marqueurs de cette inflammation comprennent le plus souvent la Protéine C réactive (CRP) qui est une protéine synthétisée par le foie. Les valeurs dans une infection franche sont souvent élevées pouvant dépasser 100 mg/l alors que des valeurs de moins de 5mg/l sont considérées, par la plupart des médecins, comme normales. A contrario, dans l’inflammation chronique de bas de grade, les niveaux de la CRP sont très discrets souvent entre 2 et 5, valeurs souvent banalisées par de nombreux médecins. Et pourtant, dans la littérature médicale, l’inflammation de bas de grade est de plus en plus reconnue comme un marqueur de risque de nombreuses maladies. Un deuxième marqueur d’inflammation de bas de grade sont le dosage des cytokines inflammatoires telles que le TNF alpha, I’interleukine 1 béta et surtout l’interleukine 6. Ces messagers de l’inflammation sont toutefois rarement testés dans la pratique courante. Sur le plan nutritionnel, le rapport oméga 6/oméga 3 donne une bonne appréciation sur notre capacité à gérer l’inflammation. Son rapport devrait être en dessous de 4 alors qu’il se situe dans notre modèle alimentaire occidental, souvent entre 15 et 20.
Conséquences d’une inflammation de bas de grade
L’inflammation de bas grade est associée à de nombreuses pathologies chroniques comprenant entre autres les maladies cardiovasculaires, les maladies métaboliques telles que l’obésité ou le diabète, les maladies neuropsychiatriques (dépression, Alzheimer) ou le cancer.
Dans les maladies cardio-vasculaires, on sait actuellement qu’une augmentation de la CRP de plus de 3 mg/l serait un marqueur fiable de risque cardio-vasculaire. Une étude récente chinoise, évaluant environ 10 000 personnes, a confirmé une bonne corrélation entre le niveau de CRP us et les facteurs de risques cardio-vasculaires habituels (diabète, cholestérol, hypertension artérielle et obésité). Les auteurs ont conclu que l’inflammation de bas de grade permettait d’avoir une meilleure compréhension des facteurs de risque cardio-vasculaires. Ainsi, la présence d’un état inflammatoire de bas grade serait un facteur pronostic d’une maladie cardiovasculaire plus pertinent que le dosage du cholestérol. En effet, on sait que les atteintes des coronaires (infarctus, angine de poitrine) sont caractérisées par un processus inflammatoire au niveau des plaques d’athérome sur la paroi des artères et que l’inflammation joue un rôle déterminant sur le pronostic. Dès lors, au lieu de se fixer sur son taux de cholestérol, il serait plus judicieux de contrôler son niveau d’inflammation de bas grade. Malheureusement, de nombreux médecins sont obnubilés par le traitement de l’hypercholestérolémie en prescrivant des statines, pensant que la réduction du cholestérol a un rôle protecteur, alors qu’il semble que leur rôle protecteur des statines ne soit pas dû à leur impact sur le cholestérol, mais une action anti-inflammatoire de ce médicament. Il serait peut-être plus judicieux d’utiliser d’autres stratégies protectrices et anti-inflammatoires plus naturelles avec l’avantage d’avoir moins d’effets secondaires.
Dans les maladies métaboliques, on sait que la surcharge pondérale ou l’obésité est associée à une inflammation de bas grade. Cette inflammation est expliquée par les médiateurs inflammatoires générés par les tissus graisseux. Dans une étude récente chez des enfants et des adolescents, on a pu clairement montrer que ceux qui étaient le plus en surpoids avaient l’inflammation la plus marquée (CRP élevée), et les jeunes en surpoids qui avaient la CRP la moins élevée, sont ceux qui ont pu le plus facilement retrouver un poids normal. Les auteurs ont conclu que l’inflammation de bas grade réduit la capacité à maigrir et surtout favorise la survenue d’un syndrome métabolique.
En cas de syndrome métabolique, les études montrent également une nette association entre l’importance de ce syndrome et une CRP élevée. L’augmentation de la CRP même faible serait un marqueur de gravité chez les personnes souffrant de ce syndrome. On retrouve les mêmes constats avec le diabète, où la valeur élevée de la CRP permet de prédire l’importance des complications vasculaires de cette maladie.
Dans les maladies neuropsychiatriques, il existe une accumulation de preuves scientifiques qui démontrent que la dépression majeure est reliée à un état inflammatoire systémique associé à une augmentation de la CRP et de l’interleukine. Cela peut s’expliquer par le fait qu’une carence en sérotonine (notre neurotransmetteur qui nous rend zen) est provoquée en premier lieu par des états inflammatoires de bas grade. En effet, lors d’une inflammation systémique, les messagers de l’inflammation se propagent dans tout l’organisme, pénétrant les cellules cérébrales et perturbant la synthèse des neurotransmetteurs tels que la sérotonine ou la dopamine. Cette baisse des neurotransmetteurs peut expliquer des états de fatigue, des troubles de l’humeur, des troubles du sommeil ainsi que des dépressions. Nous comprendrons ultérieurement pourquoi des substances naturelles anti-inflammatoires peuvent être une bonne alternative de la prise en charge des dépressions. Des conclusions identiques sont retenues dans les troubles maniaco-dépressifs. En effet, très récemment dans une méta-analyse de décembre 2016 passant en revue la littérature médicale sur l’inflammation et les troubles bipolaires, les auteurs ont clairement reconnu que l’élévation de la CRP s’accompagnait d’une aggravation des troubles bipolaires, surtout dans la phase maniaque suggérant ainsi qu’un processus neuro-inflammatoire de bas grade était responsable de ces troubles.
Ces états inflammatoires de bas grade sont également impliqués dans de nombreuses situations médicales concernant entre autres la croissance des tumeurs, la réponse douloureuse au cours d’arthrose, l’ostéoporose post-ménopausique, etc. Nous comprenons pourquoi gérer cette inflammation de bas grade est un élément majeur et incontournable pour notre santé.
Prise en charge naturelle de l’inflammation de bas grade
Nous avons à disposition des moyens naturels pour contrôler l’inflammation de bas grade dont voici les approches les plus importantes.
L’importance d’une alimentation santé, anti-inflammatoire
Notre modèle alimentaire occidental est pro-inflammatoire en raison d’un certain nombre de déséquilibres tels que les excès de sucres et de féculents, l’excès de molécules dénaturées par les cuissons fortes, l’excès de produits transformés et l’excès de graisses pro-inflammatoires de type oméga 6. De nombreuses études ont confirmé que ces déséquilibres nutritionnels agissaient comme de puissants modulateurs pro-inflammatoires et qu’is étaient responsable d’une augmentation des risques cardio-vasculaires et des risques de développer un cancer. De plus, notre mode de cuisson est souvent trop agressif générant de nombreux composés pro-inflammatoires (huiles trans, corps de maillard).
À l’inverse, une alimentation santé de type méditerranéenne réduit les paramètres inflammatoires avec de nombreux effets protecteurs sur la santé. Ce modèle alimentaire insiste sur l’importance de la consommation des légumes et des fruits de saison, des noix, des céréales complètes, de l’huile d’olive comme source de gras principal, de la consommation de poissons et de viandes blanches ainsi que du vin rouge de façon modérée. Plusieurs études ont confirmé scientifiquement le caractère protecteur et anti-inflammatoire de ce modèle alimentaire.
Le rôle important des polyphénols
Mais quels sont les éléments nutritionnels qui nous protègent le plus dans ce type d’alimentation ? Il est certain que l’on va retirer des bénéfices à réduire les sucres, les féculents, les farines blanches, les produits transformés et les mauvaises graisses qui sont tous pro-inflammatoires. Mais un des éléments les plus bénéfiques dans la diète Méditerranéenne est la présence de substances naturelles antioxydantes et anti-inflammatoires que l’on appelle les polyphénols. On les trouve principalement dans les fruits, les légumes et les épices, c’est ce qui donne la couleur aux aliments par exemple les légumes orange comme la carotte ou la patate douce sont riches en bêta-carotènes alors que les aliments rouges tels que la tomate ou la pastèque seront plus riches en lycopène. Il existe de nombreux polyphénols aux vertus multiples, raison pour laquelle il est conseillé de varier les légumes et les fruits pour bénéficier des nombreux effets protecteurs et anti-inflammatoires. Souvent la recommandation la plus parlante ou visuelle est de proposer de manger coloré, ce qui implique de mélanger les divers polyphénols. Il existe également la possibilité chez ceux qui ne consomme pas suffisamment de fruits, légumes ou épices, de prendre des compléments alimentaires riches en polyphénols tels que le gingembre, le thé vert, l’extrait de papaye fermenté, etc. Un des polyphénols les plus puissants et le plus documenté scientifiquement est la curcumine, substance incluse dans le curcuma. Les publications démontrant son efficacité dans l’inflammation de bas grade sont nombreuses.
Le rôle primordial de l’équilibre des acides gras oméga6/ oméga 3
De façon basique, il faut savoir que certaines graisses polyinsaturées ont un effet plutôt pro-inflammatoire alors que d’autres sont anti-inflammatoires. On parle souvent dans les journaux ou à la télévision des omégas 3, des omégas 6. Il est important toutefois de bien les distinguer. Ainsi, les omégas 3 comme l’acide alpha-linolénique (ALA), l’acide eicosapentanoique (EPA) et l’acide docosohéxanoique (DHA) sont fondamentalement favorables pour notre santé et sont plutôt anti-inflammatoire. En fait, ce qui est important, c’est le ratio entre les graisses inflammatoires (omégas 6) et anti-inflammatoires (omégas 3). Idéalement, ce ratio devrait être au moins inférieur à 4, souvent dans la diète occidentale habituelle, on constate des ratios de 20/1 à 50/1, ce qui génère un terrain inflammatoire. La solution est en premier lieu d’éviter certains omégas 6 qui sont des bombes inflammatoires, il s’agit d’huiles comme l’huile de tournesol, l’huile de maïs, l’huile de carthame, ou l’huile de soja, etc. Il faut plutôt consommer des aliments riches en oméga 3 comme les noix, les huiles de lin, de cameline, de chanvre ou de colza. Malheureusement, souvent avec l’âge et lors d’inflammation, la transformation des oméga 3 d’origine végétale ne peut se faire correctement afin d’obtenir de l’EPA ou de la DHA qui possède l’activité anti-inflammatoire. Dès lors, il faut favoriser la consommation de poissons des mers froides (sardines, anchois, saumon, etc.) et peut-être encore mieux prendre les oméga 3 sous forme de complément alimentaire (huile de poisson).
Le rôle important du microbiote : prébiotiques et probiotiques
Une autre particularité de la diète méditerranéenne est sa richesse en fibres prébiotiques que l’on va trouver dans les légumes, les fruits et les légumineuses. Ainsi, dans les fruits, on pensera aux fruits rouges, aux cerises et à la banane plutôt verte et ferme, qui est plus riche en fibres et moins riche en sucre. Pour les légumes, on pensera à consommer des asperges très riches en bonnes fibres, des artichauts et surtout des crucifères. La famille des crucifères comprend le brocoli, le chou-fleur, les choux de Bruxelles et le chou frisé. Ces légumes sont particulièrement importants pour soutenir notre foie. Les légumineuses comme les lentilles, les pois chiches, les haricots sont des super aliments pour nos bonnes bactéries intestinales en raison de leur richesse en prébiotiques (galacto-oligosaccharides). Pour comprendre l’intérêt des prébiotiques dans l’inflammation de bas grade, il faut se rappeler qu’environ 80 % des déclencheurs inflammatoires proviennent de l’intestin en relation avec une dysbiose intestinale. Les prébiotiques vont soutenir notre écosystème intestinal et nous aider à réduire notre état inflammatoire. L’adjonction de produits lacto-fermentés riches en probiotiques est également une stratégie santé pour rétablir un microbiote plus sain.
Compléments alimentaires dans l’inflammation de bas grade
La curcumine
La prise de curcumine est fortement recommandée dans les états inflammatoires de bas grade. Étant donné que la curcumine est mal absorbée, il est conseillé de prendre des formes bio-optimisée en synergie avec du gingembre ou du poivre noir afin d’améliorer son effet.
Les oméga 3
Les oméga 3 sont des puissants régulateurs de notre terrain inflammatoire. Des apports alimentaires corrects sont souvent difficiles à obtenir, raison pour laquelle il est souvent nécessaire de les prendre sous forme de compléments alimentaires. Les recommandations actuelles sont de consommer 1 gr par jour d’une combinaison EPA/DHA.
Les polyphénols
De nombreux polyphénols, aux effets anti-inflammatoires, peuvent être pris en compléments alimentaires tels que le resvératrol, la quércetine ou l’extrait de thé vert dont les effets sont bien documentés dans la littérature médicale.
La vitamine D
On connaît de plus en plus les effets santé de la vitamine D concernant la protection de l’ostéoporose, mais également dans l’immunité et le cancer. De nombreuses études confirment son utilité dans l’inflammation systémique et la correction d’une carence en vitamine D devient incontournable pour contrôler l’inflammation de bas grade.
En Résumé pour prendre en charge son inflammation - Au niveau de l’alimentation
Réduire les sucres, les féculents, les farines blanches, les produits transformés et les mauvaises graisses pro-inflammatoires (huile de tournesol, mais, soja, etc.)
Respecter les modes de cuissons qui sont souvent trop agressifs (moins de 150 degrés), favoriser la cuisson vapeur ou les cuissons lentes
Consommer une alimentation riche en fruits et légumes et épices, en mangeant une alimentation colorée et riche en prébiotiques et en aliments lactofermentés
Consommer des poissons des mers froides (sardines, saumon, anchois, etc.) 2 x par semaine
Compléments alimentaires
Curcumine bio-optimisée en synergie avec du gingembre ou du poivre noir
Huile de poissons avec une combinaison de EPA/DHA 1gr par jour
Vitamine D selon carence, le plus souvent au moins 2000 ui/j
Probiotiques (pas nécessaire si alimentation riche en prébiotiques ou/et en lactofermentés)
Polyphénols en complément tels que resvératrol, quercétine ou extrait de thé vert (pas nécessaire si alimentation riche en fruits et légumes colorés et épices, aromates tels que gingembre, thym, romarin, persils, etc...
Dr. A. D’oro
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